Campus de Nouville
Résumé
Les infestations des étoiles de mer corallivores du genre Acanthaster sp. représentent une des menaces les plus importantes qui pèsent actuellement sur les récifs coralliens de la zone Indo-Pacifique. En dépit d’efforts de recherche conséquents ces trois dernières décennies, les facteurs d’initiation de ces infestations restent méconnus. Des travaux récents proposent que les processus liés au changement climatique, notamment le réchauffement et l’acidification des océans, pourraient favoriser certains stades de vie des acanthasters, en particulier la phase larvaire pélagique qui est considérée comme un goulot d’étranglement pour la dynamique des populations.
Dans ce contexte, nous avons étudié les effets du réchauffement et de l’acidification des océans prévus d’ici la fin du siècle suivant le scénario classique business-as-usual du GIEC (+2 °C ; pH 7,75) sur les performances de reproduction des acanthasters après les avoir acclimaté aux différentes conditions. Les reproductions in vitro ont été effectuées avant d’étudier les processus biologiques suivants, de la fertilisation aux derniers stades larvaires. Répliquer les expériences deux années consécutives a permis de préciser la période optimale de reproduction en Nouvelle-Calédonie, qui semble se situer en décembre quand la température de l’eau dépasse 26 °C.
Nos résultats ont montré que les futures modifications des paramètres physico-chimiques de l’eau pourraient avoir des effets contrastés suivant les stades de vie et surtout suivant la saisonnalité de reproduction. À mesure que l’on s’éloigne de la période de reproduction optimale, les effets deviennent particulièrement néfastes, avec un succès de fertilisation divisé par trois dans les conditions chauffées, associé à une augmentation de la mortalité (+25%) ainsi que du taux d’anormalité (jusqu’à 100%) des larves dans les conditions acidifiées. Nos résultats suggèrent que le réchauffement climatique pourrait entrainer un avancement de la période de reproduction des acanthasters, puis un allongement pour se rapprocher de la période observée aux latitudes plus basses.
En revanche, lors de la période optimale de reproduction, nous avons observé des effets faibles à modérés de la température sur les œufs, les RGS, les taux de fertilisation, et la taille des premiers stades larvaires. Nous avons aussi montré que toutes les larves étaient systématiquement plus grandes dans les traitements acidifiés, quel que soit le stade larvaire. De plus, nous avons détecté des retards de développement larvaire provoqués par la température et par le pH, qui pourraient se traduire par un allongement du cycle larvaire dans la nature, associé avec une diminution du nombre de recrues. Néanmoins, aucune mortalité significative n’a été montrée sur les larves issues des reproductions faites en période optimale, suggérant une possible acclimatation des adultes aux conditions futures.
Ajouter une phase d’acclimatation à des conditions modifiées de température et de pH n’avait jamais été fait sur les acanthasters, et les différences de résultats entre le projet doctoral et les études précédentes ayant omis cette phase d’acclimatation soulignent l’importance de cette phase pour de futurs travaux. Bien que nos travaux aient été réalisés sur une période spécifique dans des conditions contrôlées, qui sont différentes des conditions naturelles, il semble que les acanthasters se soient acclimatés aux conditions modifiées et aient produit des larves résistantes.
Le changement climatique étant un phénomène lent, il est très probable que les acanthasters s’acclimatent aux conditions futures et que la dynamique des populations ne soit pas affectée. Nos travaux ont permis d’augmenter les connaissances des effets du changement climatique sur les acanthasters et de préciser la période optimale de reproduction en Nouvelle-Calédonie.
Mots-clés : acanthaster, changement climatique, reproduction, larves, développement, récifs coralliens, infestations
Composition du jury
- Paola Furla, professeure, Université de Nice
- Suzanne Mills, professeure associéé, EPHE Paris
- Mehdi Adjeroud, directeur de recherche, IRD Perpignan
- Olivier Chateau, responsable scientifique, Aquarium des lagons
- Pascal Dumas, chargé de recherche, IRD Nouméa
- Nabila Gaertner-Mazouni, professeure, UPF
- Yves Letourneur, professeur, UNC
- Jérémie Vidal-Dupiol, chargé de recherche, IFREMER
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