Portrait d’une chercheuse de l’UNC, Peggy Gunkel-Grillon

Suivre à la trace les métaux dans l’environnement

Dans l’air ou dans l’eau, Peggy Gunkel-Grillon cherche à comprendre comment se dispersent les métaux dans l’environnement. Quelle est la part naturelle de cette dispersion et quelle est la part provoquée par l’activité humaine ? C’est l’objet des recherches de la professeure en chimie de l’environnement et directrice de l’unité de recherche ISEA.

 

“Je me suis toujours intéressée à la chimie et à la biologie sans pouvoir choisir entre les deux. C’est la raison pour laquelle je me suis retrouvée à faire de la chimie de l’environnement”, résume avec simplicité Peggy Gunkel-Grillon, professeure à l’Université de la Nouvelle-Calédonie (UNC) et directrice de l’unité de recherche ISEA. Sa spécialité ? La dispersion des métaux dans l’environnement. “La biodisponibilité du métal dépend de sa spéciation, cela signifie que la forme chimique d’un métal change son effet sur l’environnement. Il peut être très mobile ou inerte, traverser les membranes biologiques ou pas et donc être plus ou moins assimilé par les organismes ”, détaille-t-elle.

En 2008, l’Université de la Nouvelle-Calédonie publie une offre de recrutement pour un poste dans sa section de recherche. Une opportunité inespérée pour la Calédonienne, partie dix-huit ans plus tôt faire ses études, puis se forger une expérience professionnelle en Europe. “J’avais décidé de rentrer en Nouvelle-Calédonie, j’avais déjà mis ma maison en vente. Même si j’adorais la recherche, j’étais prête à prendre une autre voie professionnelle faute de poste. Quand j’ai vu l’annonce de l’UNC, exactement dans ma spécialité, je me suis dit qu’il faut croire au destin !” se souvient-elle.

Peggy Gunkel-Grillon rejoint alors une équipe de géologues, physiciens et informaticiens. Seule chimiste du laboratoire, elle découvre qu’elle ne dispose d’aucun matériel : “ni bécher, ni pH-mètre, rien !, s’amuse-t-elle aujourd’hui. Tout était à faire. J’ai travaillé sur pas mal de projets différents avec les collègues pour obtenir des financements et équiper le laboratoire. Nous sommes partis de rien, avec une totale liberté. C’était épuisant mais extrêmement passionnant.”

 

Du chrome hexavalent dans l’eau

La chimiste de l’environnement s’intéresse rapidement à l’activité minière, et notamment à la dispersion des métaux dans les eaux de ruissellement (1). Avec ses collègues, elle démontre que les cours d’eau calédoniens peuvent renfermer une forte concentration de chrome hexavalent, une forme toxique et cancérigène du chrome. “Les eaux qui se colorent en rouge à l’abord des sites miniers sont beaucoup plus chargées en chrome qu’en nickel car le chrome hexavalent est très soluble (2). C’est donc un paramètre important à prendre en compte dans le suivi de qualité de nos eaux”, met-elle en garde.

“Il est difficile de distinguer ce qui relève d’une concentration naturelle de métaux, de ce qui relève d’une concentration issue de la pollution, car le sol est naturellement riche en nickel, chrome ou cobalt. Nous devons donc mener un travail sur la définition de valeurs de référence en Nouvelle-Calédonie, afin de donner des recommandations sur la concentration à ne pas dépasser dans les cours d’eau. Pour cela, nous travaillons avec le CSIRO, basé en Australie, sur toutes les données physico-chimiques de la qualité de l’eau”, annonce la chercheuse.

 

Quantifier les poussières de la mine

Peggy Gunkel-Grillon s’intéresse également aux poussières dans l’air, générées entre autres par les surfaces dénudées de l’activité minière. Pour les mesurer, elle a utilisé le lichen, un organisme dépourvu de racines, qui pousse sur les arbres et se nourrit de dépôts atmosphériques. “Grâce au lichen, nous avons démontré que plus on est proche de la mine, plus on a un indice d’exposition élevé. Il n’y a pas de doute sur le fait que la mine génère de la poussière”, conclut-elle (3).

En parallèle, la chercheuse a travaillé avec des collègues de l’Université de Reims pour modéliser les déplacements des masses d’air en Calédonie (4). “Les particules fines peuvent parcourir de grandes distances. On a suivi des poussières issues de la côte Est jusqu’au nord de la côte Ouest”, répond la maîtresse de conférences, devenue professeure en 2021.

Désormais, c’est la quantification précise de ces poussières qui l’intéresse. Pour répondre à cette question, un nouveau projet a été entamé il y a deux ans, financé par le CNRT nickel et son environnement. Des jauges ont été déployées pendant dix mois, à partir d’un site minier de Thio, et jusqu’au village. “Pour quantifier les poussières de la mine, nous devons analyser chimiquement cette poussière, afin de déterminer ce qui vient de la mine, et ce qui vient des feux, des pollens ou des embruns. La recherche doit être la plus objective possible pour être bénéfique à tout le monde”, souligne la professeure. Les résultats sont en phase de traitement et devraient être publiés début 2024.

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