L’île d’Ouvéa a été le terrain de recherche de deux linguistes. Objectif : étudier la langue iaai, et plus spécifiquement le domaine d’expression de la possession, dans le cadre d’une étude comparative de plusieurs langues océaniennes.
2022 est l’année de lancement de la décennie internationale des langues autochtones décrétée par l’UNESCO (IDIL 2022-2032). L’occasion de mettre en lumière la richesse des langues kanak et océaniennes et de rappeler l’importance de leur transmission et de leur promotion. L’occasion également de se pencher sur le travail actuellement effectué par deux linguistes qui étudient plus spécifiquement la langue iaai, à Ouvéa, dans le cadre d’une étude comparative sur des langues océaniennes : 4 langues du Vanuatu et 2 langues kanak de Nouvelle-Calédonie (le iaai d’Ouvéa et le nêlêmwa de Poum).
Un objet spécifique d’étude : le domaine d’expression de la possession
Mené par Michael Franjieh, linguiste à l’University of Surrey (Royaume-Uni), lauréat d’un financement du Economic & Social Research Council, ce projet intitulé « Optimal categorisation : the origin and nature of gender in a psycholinguistic perspective » (Greville Corbett, Alexandra Grandisson & Michael Franjieh), est mené en partenariat avec l’UNC, à travers la collaboration de Anne-Laure Dotte (maîtresse de conférences en linguistique, équipe de recherche ERALO), et vise à étudier un domaine très spécifique de la grammaire de ces langues : le domaine de l’expression de la possession.
« En iaai il existe un large éventail de façons différentes de dire « le mien/la mienne » en fonction du type d’objet ou de chose possédé, explique Anne-Laure Dotte. Cela va donc créer des classes différentes dans lesquelles vont se ranger les noms de la langue selon la façon de construire la possession : « mon poisson » peut se dire ök wââ s’il s’agit de l’aliment, haniik wââ s’il s’agit de la prise de pêche, haaleek wââ s’il s’agit de l’animal domestique dont je prends soin ou encore anyik wââ de façon générale, par exemple si c’est mon poisson que je vends au marché ».
On dénombre ainsi près d’une vingtaine de classes de ce type, ce qui est assez exceptionnel dans les langues kanak et océaniennes. On retrouve cette caractéristique dans certaines langues du Vanuatu, mais dans une moindre mesure, avec cinq classes différentes de noms basées sur la possession.
Un intense travail de terrain
Débutées en 2019, les enquêtes sur le terrain ont dû être suspendues à cause de la situation sanitaire internationale. Cette année, le travail a pu reprendre, d’abord à Ouvéa, avec une nouvelle venue de Michael Franjieh, toujours accompagné de Anne-Laure Dotte.
« Nous conduisons des entretiens avec des locuteurs de la langue de tous âges, pour recueillir des données linguistiques qui sont enregistrées et transcrites, à partir d’une série d’activités développées par Michael Franjieh, poursuit Anne-Laure Dotte. Ces entretiens sont l’occasion de rencontres et d’échanges très riches avec celles et ceux qui pratiquent le iaai au quotidien. L’objectif est de mieux comprendre le fonctionnement de ces catégories linguistiques spécifiques, mais aussi, dans une perspective plus large, de pouvoir mieux comprendre l’histoire et la diversification de ces langues cousines de cette partie de l’Océanie. Le projet de recherche devrait permettre également de mettre à disposition des outils didactiques et ludiques, comme des petits livrets illustrés avec des textes à trous où reconstituer la bonne expression de la possession ; un lexique des différentes classes de possessions et des noms associés, etc. » Une fois le travail réalisé sur Ouvéa, l’équipe de linguistes doit se rendre à Poum, en octobre, après deux mois d’enquêtes de Michael Franjieh au Vanuatu (îles de Ambrym, Epi et Santo).