Un master à la croisée de la recherche et des enjeux environnementaux dans le Pacifique

Valérie Burtet-Sarramegna est, avec Yves Letourneur, co-responsable pédagogique du Master Sciences de la durabilité. Ses travaux de recherche éclairent le lien entre la démarche scientifique et les enjeux de développement durable et de protection de la biodiversité auxquels sont formés les étudiants.

 

Espèces invasives, feux, exploitation minière… Si la biodiversité de la Nouvelle-Calédonie présente une rare richesse, elle doit aussi faire face à de nombreuses menaces qui se trouvent aujourd’hui renforcées par les défis liés au changement climatique. « L’érosion est particulièrement accentuée en contexte de changement climatique et les quatre années du phénomène La Niña que nous venons de traverser », appuie Valérie Burtet-Sarramegna, professeure des universités en biochimie et biologie moléculaire.

 

Depuis 2021, elle est, avec Yves Letourneur, co-responsable pédagogique du Master SD2S (Sciences de la durabilité) à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. L’enseignante-chercheuse a largement porté le développement de ce diplôme afin de répondre aux problématiques calédoniennes, tout en bénéficiant de l’apport de travaux scientifiques adaptés aux enjeux régionaux.

 

« Mieux comprendre la biodiversité pour mieux la préserver »

 

À travers sa spécialisation « Changements climatiques et sciences de l’environnement », ce Master « a pour but de former des cadres et des chercheurs compétents, qui seront les futurs décideurs et gestionnaires des écosystèmes tropicaux dans la région Pacifique », développe Valérie Burtet-Sarramegna. « On souhaitait aussi amorcer une dynamique d’échanges entre enseignants chercheurs de la région Pacifique. » Cette formation a donc été pensée dans une dynamique régionale. Elle fait intervenir des scientifiques d’autres universités du Pacifique (Fidji, Australie Nouvelle-Zélande, Polynésie), en complément des chercheurs calédoniens rattachés au CRESICA*.

 

A partir de l’an prochain, dans la dynamique de développement des sorties terrain insufflée par le grand projet structurant diversitES, le Master évoluera pour renforcer encore davantage le lien entre études et réalité du terrain scientifique. Les étudiants seront ainsi mis en situation de recherche dans le cadre d’une « École de Terrain » de trois semaines par an dans un environnement terrestre, un environnement marin, et enfin en laboratoire. Cette approche leur permettra de mieux comprendre le lien entre la recherche scientifique et les enjeux de développement durable. « Nous souhaitons proposer un focus sur l’apport des résultats de la recherche à la connaissance des écosystèmes marins et terrestres, explique Valérie Burtet-Sarramegna. Mieux connaitre la biodiversité permet de mieux la préserver. »

 

À l’université, la formation est adossée à la recherche et cette démarche fait écho aux travaux qu’elle mène en Nouvelle-Calédonie, et qui servent de base à ses cours sur les apports de la biochimie et de la biologie moléculaire aux sciences de l’environnement. L’étude de gènes ou de protéines permet de comprendre les avantages évolutifs dont peuvent bénéficier certaines espèces. Si elles ont survécu dans des milieux particuliers, elles le doivent à des capacités de résistance et d’adaptation aux stress environnementaux.

 

Les enseignements de l’endémisme calédonien

 

L’une des plus connues d’entre elles est endémique à la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit d’Amborella Trichopoda, qui est la plus ancienne des plantes à fleurs de la planète. Le fait qu’elle ait réussi à traverser 137 milliards d’années lui a valu l’intérêt de travaux de recherche d’envergure internationale.

Avec ses confrères de l’équipe de recherche ISEA (Institut de sciences exactes et appliquées) de l’UNC et ceux du CRESICA, Valérie Burtet-Sarramegna a contribué au séquençage et à l’annotation du génome de cette plante mené par une équipe de recherche internationale.

« On ne peut pas encore répondre à la question de savoir si le génome d’Amborella présente des avantages évolutifs, développe la chercheuse. Mais nous avons pu montrer que ses graines étaient tolérantes à la dessication. C’est à dire qu’elles peuvent rester un long moment sans apport d’eau avant de germer. »

Amborella Trichopoda est la plus ancienne plante à fleur connue de la planète. © Valérie Burtet-Sarramegna

 Avec un taux d’endémicité moyen de l’ordre 75 %, la flore de la Nouvelle-Calédonie représente un terrain de recherche particulièrement porteur pour éclairer cette problématique. D’ailleurs, un autre type de végétaux intéresse tout particulièrement les travaux de Valérie Burtet-Sarramegna : les plantes adaptées aux métaux.

Les sols de la Nouvelle-Calédonie regorgent de métaux et ils sont pauvres en éléments nutritifs essentiels, comme le résume Valérie Burtet-Sarramegna. « D’un point de vue chimique on pourrait se dire qu’ils sont défavorables à la vie. Et pourtant, ils sont recouverts d’une flore qui présente un taux d’endémisme avoisinant parfois 90 %. »

Dans cet environnement extrême, les végétaux ont développé deux types principaux de mécanismes d’adaptation. Une première catégorie de plantes, qualifiées « d’excludrices », présente une capacité à bloquer les métaux au niveau des racines. La seconde catégorie de plantes, dites « hyper-accumulatrices », peuvent stocker de très fortes concentrations de métaux captés dans le sol. Pycnandra Acuminata, plus connue sous le nom d’arbre à sève bleue, est la plus célèbre d’entre elles. Valérie Burtet-Sarramegna et son équipe se penchent plus particulièrement sur une plante capable d’accumuler des concentrations extrêmes de nickel dans ses feuilles : Psychotria Gabriellae. Elle fait l’objet d’une étude comparative avec son équivalent « excludeur » de nickel : Psychotria Semperflorens.

 

Des méthodes de restauration basées sur la nature

 

Sur le plan scientifique, le premier enjeu consiste à déterminer quels gènes ou quelles molécules expliquent de telles capacités d’exclusion ou d’accumulation du nickel. En parallèle, Valérie Burtet-Sarramegna s’intéresse au rôle des micro-organismes dans ces mécanismes adaptatifs. Ce travail fait l’objet d’une thèse de doctorat actuellement menée par Julie Dijoux. « On regarde l’ensemble des bactéries et des champignons associés à ces plantes dans les feuilles, dans les tiges ou dans les racines », développe Valérie Burtet-Sarramegna. Notre hypothèse consiste à nous interroger sur les éventuelles spécificités d’associations microbiennes qui permettent d’expliquer le comportement d’hyper-accumulation ou d’exclusion du nickel. » Les résultats de ces travaux devraient faire l’objet d’une publication scientifique prochainement.

Comparaison des mécanismes d’hyper-accumulation et d’exclusion du nickel. © Valérie Burtet-Sarramegna

Comprendre ces mécanismes complexes présente un enjeu environnemental d’importance. De telles études pourraient contribuer au développement de méthodes de préservation ou de restauration basées sur la nature. Il peut par exemple s’agir d’identifier des végétaux adaptés pour revégétaliser un site érodé. En stimulant les capacités hyper-accumulatrices de certaines plantes, il serait aussi possible de décontaminer des sols. Enfin, si certains micro-organismes étaient identifiés pour leur capacité à capter les métaux, ils pourraient être utilisés pour de futures applications écologiques ou biotechnologiques. Autant de réponses à des problématiques de développement de la Nouvelle-Calédonie.

 

Informations complémentaires et contacts sur notre master en science de la durabilité.

 

* Consortium de Coopération pour la Recherche, l’Enseignement Supérieur et l’Innovation en Nouvelle-Calédonie.

 

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