Le Mont Tabwemassa et la communauté de Kerepua (ile de Santo, Vanuatu) constituent un terrain d’étude unique pour l’équipe FALAH dans la recherche sur les systèmes alimentaires insulaires, en raison de leur histoire, leur environnement exceptionnel et les profondes transformations socio-territoriales qu’ils ont traversées.
La montagne possède une importance scientifique majeure. Dans les années 1920, l’explorateur et zoologiste anglais John R. Baker fut le premier scientifique à atteindre son sommet, cartographiant la région et publiant ses travaux dans The Geographical Journal (1929). Il y revint en 1933 dans le cadre d’une Oxford University Expedition, qui confirma Tabwemassa comme le plus haut sommet des Nouvelles-Hébrides et collecta plusieurs milliers de spécimens zoologiques, botaniques et entomologiques. Jusqu’aux années 1970, les habitants vivaient dans les villages montagnards tel Nokovula. En 1978, ils migrèrent vers la côte sous l’effet combiné des missionnaires, de l’accès aux services et des conditions difficiles en altitude.
Cette relocalisation a profondément transformé les pratiques alimentaires, les mobilités et usages des terres, la relation à l’environnement, entre montagne et littoral. C’est dans ce contexte écologique, culturel et historique que s’inscrit la mission scientifique FALAH.
Immersion communautaire et premiers échanges
Pendant dix jours, l’équipe FALAH a vécu dans la communauté de Kerepua, documentant l’évolution des systèmes alimentaires et les dynamiques sociales, culturelles et environnementales.
Les premiers jours ont permis d’analyser les récits transmis par les anciens, les pratiques agricoles actuelles, les ressources alimentaires disponibles et les changements intergénérationnels.

Co-design et participation communautaire – avec un focus sur les écoles
Au cœur de la mission, plusieurs ateliers de co-design ont été menés afin de co-construire, avec les habitants, une vision partagée de l’avenir alimentaire du village.
Ateliers intergénérationnels
Les discussions ont permis d’identifier les défis prioritaires, les ressources communautaires mobilisables et les pistes d’action réalistes pour renforcer la souveraineté alimentaire.

Co-design en milieu scolaire
Un travail spécifique a été mené avec les élèves et les enseignants et les élèves de l’école de Kerepua, permettant de comprendre les représentations des enfants sur l’alimentation, la nature et leur territoire ; de mobiliser dessins, cartes mentales, récits et jeux pédagogiques ; d’identifier des besoins éducatifs liés à la nutrition, aux savoirs traditionnels, au climat et à la biodiversité et enfin de renforcer le lien entre recherche, enseignement et familles.

L’ascension scientifique du Mont Tabwemassa
Un des temps forts fut l’ascension du Mont Tabwemassa (1 875 m), sur quatre jours, en compagnie de 19 guides, porteurs, chercheurs et habitants.

Objectifs scientifiques

- Comprendre les liens historiques entre la communauté et cet espace montagnard.
- Documenter les traces d’occupation ancienne et leur lien avec les pratiques alimentaires passées.
La marche a débuté par une remontée de rivière, itinéraire traditionnel reliant autrefois mer et montagne, puis s’est poursuivie dans les forêts, jardins et village anciens et zones de biodiversité singulière.

Coopération, transmission, perspectives et enjeux économiques
Les échanges tout au long de la mission ont été marqués par un fort partage de connaissances, une écoute mutuelle et une volonté partagée d’inscrire la recherche dans les besoins réels de la communauté.
Enjeux économiques : agrotourisme et conservation
Les discussions communautaires ont aussi mis en lumière l’importance croissante des enjeux économiques pour la résilience des familles :
- Le développement de l’agrotourisme autour de l’écolodge communautaire de Kerepua, qui accueille randonneurs, chercheurs et visiteurs intéressés par la culture, la nature et les savoirs locaux.
- La présence de la zone de conservation EARA (Environment and Resource Area), située à l’entrée du Mont Tabwemassa, constitue un enjeu majeur : elle protège la biodiversité du massif tout en offrant des opportunités de retombées économiques durables liées à la gestion environnementale, au tourisme nature et à la valorisation des savoirs locaux.
Ces dimensions économiques, associées à la recherche participative, ouvrent des perspectives concrètes pour soutenir la souveraineté alimentaire, la résilience économique et la protection de l’environnement dans un contexte de changement climatique global.

Cette mission s’inscrit dans le cadre du programme RISE FALAH, financé par l’Union européenne, ainsi que du Fonds Pacifique du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), avec le soutien de l’Ambassade de France en Australie.
Elle réunit une équipe scientifique collaborative composée de :
- l’Université de la Nouvelle-Calédonie
- The University of Sydney et le Charles Perkins Centre
- L’Université Nationale du Vanuatu

Site FALAH : https://falah.unc.nc/en
