Les abeilles de Nouméa sous la loupe d’un chercheur Australien

L’UNC a accueilli, en juillet, Mark Taylor. Professeur en Science de l’environnement à l’Université Macquarie de Sydney, le chercheur est spécialisé dans les risques sanitaires liés aux aérosols, poussières et autres effluents atmosphériques et aquatiques. Doté de solides références, le chercheur a profité d’un congé sabbatique de six mois pour réaliser une étude sur la présence de polluants autour de la SLN en utilisant les abeilles comme « bio-indicateur ».

L’Université de Nouvelle-Calédonie est aussi un outil de rayonnement dans le Pacifique et la venue de Mark Taylor en juillet en est l’illustration. Le chercheur spécialisé dans l’étude des risques sanitaires liés aux aérosols, poussières et autres polluants atmosphériques et aquatiques a écrit plus de 150 publications scientifiques et de nombreux rapports dédiés à l’environnement. Après avoir sillonné l’Australie et mené divers projets internationaux*, c’est en Nouvelle-Calédonie qu’il a réalisé sa nouvelle étude. « Cela fait un moment que j’observe avec intérêt la situation de Nouméa et sa proximité de l’usine de nickel (la SLN). Il y a plusieurs mois, nous avons publié une étude sur l’utilisation des abeilles australiennes et européennes comme potentiel bio-indicateur de pollution atmosphérique. Ces études ainsi que mes recherches sur les conséquences des pollutions industrielles sur la santé humaine m’ont conduit à Nouméa. L’intérêt est de mieux cerner les effets de la SLN sur la population vivant aux alentours », explique le chercheur. Mark Taylor et son équipe ont donc mis en place une collaboration avec le laboratoire de l’Institut des sciences exactes et appliquées (ISEA) à l’UNC et sa directrice Peggy Gunkel-Grillon, qui s’intéresse également à cette thématique. En avril, Cynthia Isley, postdoctorante travaillant avec le chercheur, est venue en éclaireur préparer cette mission réalisée en juillet.

400 échantillons prélevés autour de la SLN

Il a fallu à peine un mois à Mark Taylor et son équipe pour analyser 400 échantillons de sol et de poussières prélevés sur un périmètre d’environ trois kilomètres autour de la SLN. L’équipe a mesuré la concentration d’éléments, présents à l’état de trace, accumulés à l’extérieur mais aussi à l’intérieur des maisons grâce à une collection d’échantillons de poussières provenant d’aspirateurs. Ces prélèvements, analysés avec un détecteur portable à fluorescence, a révélé la présence de chrome, cuivre, nickel, plomb, etc. Ces données vont permettre de dresser une carte de localisation des contaminants afin de mieux appréhender les conséquences des effluents industriels sur la pollution environnementale. « Nous savons que certains de ces métaux entraînent des retards de développement notamment chez les jeunes enfants qui sont particulièrement vulnérables. Ils sont plus près du sol et sont susceptibles d’ingérer ces contaminants. »

Les abeilles jouent les enquêteurs

Si l’étude des contaminants doit fournir de précieuses indications, le travail de Mark Taylor ne s’arrête pas là. Le chercheur a collaboré avec l’ADECAL et a eu accès à quinze ruches dans le secteur. Il y a récolté, chaque jour, des abeilles mortes, du miel et un échantillon d’abeilles vivantes qui vont être analysées. Les résultats seront ensuite comparés à l’étude de sol. À ce stade, il est légitime de se demander quel est le lien entre les abeilles, la pollution industrielle et l’étude de sol ? La réponse semble, a posteriori, évidente : les abeilles ramènent quotidiennement à leur ruche ces contaminants déposés sur le sol, les plantes et les fleurs. Elles constituent donc des « bio-indicateurs » potentiels de la qualité de l’air. « L‘UNC a déjà examiné quelques abeilles et nous en avons préparé pour l’observation au microscope électronique. Ces analyses préliminaires montrent que ces contaminants ne sont presque pas présents sur les abeilles. D’autres travaux suggèrent qu’ils seraient présents à l’intérieur. Heureusement, seule une infime quantité se retrouve dans le miel que nous consommons. Mais nous espérons, à travers notre étude, obtenir quelques précisions à ce sujet. » précise Mark Taylor. Quant à savoir si les insectes sont eux-mêmes victimes de ces polluants, il est encore trop tôt pour le dire.

* Ces travaux de recherche l’ont mené en Asie, Afrique, Europe, Pacifique Sud et États-Unis.

 

 

Trois questions à Mark Taylor

J’ai reçu un accueil fantastique !

Que vous a apporté votre collaboration avec l’UNC ?

L’université m’a apporté un soutien logistique considérable, un bureau, l’accès au laboratoire, etc. L’équipe de Peggy Gunkel-Grillon à l’UNC m’a également aidé dans la collecte d’échantillons de poussières d’intérieur et a mis à ma disposition des informations géologiques me permettant de caractériser les éléments naturels à l’état de trace dans le sol à Nouméa. J’ai reçu un accueil fantastique !

Comment envisagez-vous de mettre en valeur les études réalisées sur Nouméa ?

Je compte écrire deux ou trois publications mais je dois auparavant compléter les analyses de prélèvements. J’ai également contacté Scal’air qui semble intéressé par l’étude et j’ai aussi discuté avec des scientifiques de la DIMENC. Nous envisageons de mettre en commun nos résultats avant publication. Il s’agit d’une simple vérification pour être certain qu’il n’y a aucune erreur ou mauvaise interprétation.

La pollution atmosphérique est une question sensible à Nouméa. Quelle est votre position sur cette question ?

Je comprends tout à fait que ce soit délicat. Nous nous sommes retrouvés dans une situation identique avec des communes australiennes. Cependant, en tant que scientifique, je m’intéresse avant tout aux données. Ce sont elles qui nous informent et peuvent inciter à protéger l’environnement et la santé humaine. Mon travail est basé sur des méthodes scientifiques et sur l’interprétation de résultats. Je ne cherche absolument pas à juger ou à influencer des choix politiques. Cette recherche va permettre d’informer la société et nous espérons qu’elle contribuera à une meilleure compréhension des risques de pollution, si les résultats sont avérés.

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